Le changement climatique et les lieux historiques nationaux
Le changement climatique est un enjeu abondamment débattu dans
notre société; toutefois, ces discussions ne tiennent pas toujours
compte du fait que même s'il aura une incidence de taille sur notre
avenir, le changement climatique touche aussi notre passé, car il
cause des dommages aux lieux patrimoniaux. Le changement climatique
se traduit par une augmentation des températures planétaires, ce
qui entraîne le dégel du pergélisol, une augmentation du nombre de
fortes tempêtes le long de la côte et l'érosion accélérée des
berges et du littoral. Ces transformations sont préoccupantes pour
un grand nombre de lieux patrimoniaux du Canada, en particulier
pour ceux qui se trouvent dans les régions nordiques et côtières et
qui sont maintenant en péril. Certains lieux patrimoniaux du Canada
risquent de plus en plus d'être gravement endommagés ou détruits.
En réaction à la menace que pose le changement climatique pour le
patrimoine canadien, Parcs Canada a amorcé des études et des
discussions sur les stratégies qu'il faudrait adopter pour
préserver notre patrimoine commun.
Le lieu historique national du Canada du
Fort-Prince de Galles se trouve tout juste à l'ouest de la
ville de Churchill, au Manitoba, l'une des régions les plus froides
du Canada. Bâti au XVIIIe siècle sur une période de quarante ans,
ce lieu historique national a résisté pendant plus de deux cents
ans à des vents puissants et à des températures glaciales,
conditions que seuls les ours polaires peuvent trouver favorables.
En dépit des dommages causés au fort par une attaque de soldats
français qui, en 1782, ont réussi à en déloger la
Compagnie de la Baie d'Hudson, et malgré l'abandon de l'endroit
pendant les 150 années suivantes, le fort est demeuré en grande
partie intact. Ce n'est qu'au cours des vingt dernières années que
l'action de l'eau a commencé à fissurer et à déformer les murs de
pierre, et que l'accroissement des radiations solaires et de la
température a amorcé la dégradation du mortier. Après plus de 200
ans d'existence, ce monument en apparence inébranlable, témoin du
passé de notre pays, est menacé par la progression implacable du
changement climatique.
Plus de 200 kilomètres au sud du fort Prince de Galles, un autre
lieu patrimonial canadien subit les effets menaçants du changement
climatique. Érigée en 1788 au bord de la rivière Hayes, dans le
Nord du Manitoba, la troisième construction de York Factory est aujourd'hui un lieu historique
national. Jadis un important poste de traite des fourrures de la
Compagnie de la Baie d'Hudson, York Factory a également été un
point central de la compagnie pendant deux siècles et demi. Hélas,
si ce très ancien lieu patrimonial a subsisté si longtemps, il
pourrait disparaître d'ici tout juste une centaine d'années. Le sol
sur lequel repose York Factory est un pergélisol qui a commencé à
dégeler, et il est de plus en plus meuble. Ainsi, les
berges de la rivière Hayes qui coule à proximité risquent de
s'éroder plus rapidement. Chaque année, la rivière gagne un peu
plus sur le terrain de York Factory, et les vestiges des deux
premières constructions ont déjà été emportés par le cours d'eau.
York Factory est un lieu patrimonial particulièrement important,
car il est lié à l'histoire de la traite des fourrures au Canada,
et sa perte signifierait la rupture d'une connexion majeure avec
notre passé.
Le lieu historique national de la
Forteresse-de-Louisbourg, situé sur la côte de la Nouvelle
Écosse, est un autre élément extrêmement important de notre passé,
car il a été le théâtre de luttes profondes entre les empires
britannique et français durant la guerre de Sept ans. En outre, les
terrains entourant le lieu pourraient contenir d'importants
vestiges archéologiques datant de la forteresse et du village
d'origine de Louisbourg. Même s'il survenait à l'occasion de fortes tempêtes (chaque fois espacées
de quelques années) sur les côtes de la province il y a quelques
décennies, des tempêtes de la même envergure ont commencé à se
produire presque tous les ans, peut-être en raison du changement
climatique. Chaque année, la houle provoquée par ces grandes
tempêtes lessive un peu plus le littoral autour de la forteresse de
Louisbourg, emportant des vestiges archéologiques de grande valeur.
La poursuite de cette tendance pourrait entraîner la perte d'un
nombre désastreux de vestiges archéologiques liés au fort et à
l'histoire du Canada.
Un autre lieu historique national, le vaste complexe historique de Dawson, est menacé par
le changement climatique. Le lieu est formé de dix huit
bâtiments historiques, construits au XIXe siècle
durant la ruée vers l'or du Yukon et constituant le cœur de Dawson
City. Caractéristique notable de la ville, elle a été construite si
loin au nord qu'elle repose sur un pergélisol. Compte tenu du
récent changement climatique, il est de plus en plus probable que
ce pergélisol commencera à dégeler. La détérioration de ce sol
autrefois stable sur lequel sont construits les bâtiments
historiques de Dawson City compromettra la stabilité et
l'architecture de ces ouvrages et causera la perte d'un lieu
historique d'importance majeure pour l'histoire du Canada.
Ces lieux ne sont que des exemples des nombreux lieux
patrimoniaux du Canada menacés par le changement climatique. À
mesure que le climat se réchauffera, le pergélisol dégèlera, le
niveau de la mer s'élèvera, les grandes tempêtes seront de plus en
plus fréquentes et notre fragile patrimoine national sera de plus
en plus en danger de destruction. Les lieux patrimoniaux sont d'une
importance cruciale pour comprendre le Canada et en apprendre
davantage sur son passé, mais l'avenir de ces structures qui sont
demeurées en place pendant des siècles est plutôt incertain. Le
changement climatique constitue peut-être un danger pour l'avenir,
mais il laisse également planer une grande menace sur notre
passé.