Home / Accueil

Deux conversations avec des architectes en conservation

Conversation 1 : Patrimoine bâti

James Ashby est architecte principal en conservation à la Direction de la conservation du patrimoine, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), depuis décembre 2001.

Bien qu'il s'intéresse à tous les styles et à toutes les périodes de l'architecture, James Ashby a pour principal intérêt la conservation du patrimoine bâti de l'ère moderne, en particulier la période de 1945 à 1975. À l'origine, il a reçu une formation en architecture, mais il n'a pas de but précis jusqu'à ce que les stages d'enseignement coopératif l'amènent à travailler dans le domaine de la conservation du patrimoine.

Au début des années 1990, alors qu'il débute dans la profession, des possibilités d'emploi se présentent tant au gouvernement fédéral que dans des grandes firmes d'architectes. Ce sont les projets multidisciplinaires qui l'attirent le plus, et le fait d'encourager les membres d'autres disciplines à comprendre l'importance de la conservation lui apporte beaucoup de satisfaction. James Ashby enseigne également, dans le domaine de la conservation du patrimoine, et aime parler de sa profession à un large auditoire. Il constate auprès de la nouvelle génération un engouement pour la profession et le patrimoine moderne, et les jeunes qui se lancent dans le domaine proviennent d'horizons très variés.

Qu'est-ce qu'un architecte en conservation?

Une personne qui se spécialise en patrimoine bâti, et qui possède une formation reconnue combinée à de l'expérience dans le domaine. Ce n'est pas une profession réglementée.

Quelle sorte de formation avez-vous reçue?

Après avoir décroché un B.A. en architecture de l'Université de Waterloo, j'ai suivi un cours au Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM), à Rome. Par la suite, j'ai obtenu une M.A. en conservation (édifices historiques) de l'Université d'York, en Angleterre. Il y a vingt ou trente ans, il était plus difficile de trouver au Canada un endroit qui offrait une formation spécialisée en conservation du patrimoine.

Quels styles et périodes sont vos domaines de spécialité?

Je crois que nous n'avons pas une très vaste expérience collective de la préservation de l'architecture moderne, et j'espère changer cette situation, puisque beaucoup de bâtiments modernes sont maintenant menacés de détérioration. Il faut également faire preuve d'objectivité pour considérer un bâtiment selon la façon dont il représente les valeurs de la société à une époque particulière de l'histoire.

Quelles sont aujourd'hui les possibilités d'emploi dans le domaine de la conservation au Canada?

De nos jours, les grands bureaux d'architectes des grandes villes canadiennes ont des départements entiers voués à la conservation du patrimoine. La profession rattachée à la conservation du patrimoine est maintenant beaucoup plus multidisciplinaire, et des possibilités dans ce domaine s'ouvrent aux historiens, architectes‑paysagistes, restaurateurs de matériaux, gens de métier spécialisés en patrimoine et rédacteurs de journal. Il existe aussi plus de programmes qui attirent une nouvelle génération de jeunes étudiants engagés. L'Université Carleton à Ottawa semble devenue un chef de file en la matière et offre un programme en ingénierie de la conservation qui a débuté à l'automne 2011.

Les programmes sont maintenant axés sur l'établissement de liens entre la conservation du patrimoine et la durabilité, et on cherche beaucoup plus à bâtir des ponts avec les autres professions et mouvements, comme le mouvement écologiste ou environnementaliste.

Comment appliquez‑vous les Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada à votre travail sur les édifices du patrimoine?N&LD Page Couverture

J'utilise constamment les Normes et lignes directrices et je les trouve très utiles. J'estime qu'elles sont importantes pour mon travail et j'applique les principes énoncés à l'intention des propriétaires et gestionnaires immobiliers. Les Normes et lignes directrices démystifient le domaine et les buts de la conservation du patrimoine en montrant en termes objectifs qu'un bâtiment peut avoir une très longue durée de vie.

Pouvez-vous me parler un peu plus de la réutilisation adaptée des édifices du patrimoine?

En réhabilitant un édifice du patrimoine, le fait de lui donner une vocation compatible avec notre époque est le principal facteur de réussite du projet et de l'avenir du bâtiment; à cet égard, il faut dialoguer avec le propriétaire et lui démontrer qu'un bâtiment a la capacité d'être adapté au changement.

Quel est votre édifice du patrimoine favori dans le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux?

Celui qui ne s'y trouve pas encore !

Lorsque ne vous n'êtes pas en train de vous occuper de vieux bâtiments et de patrimoine paysager, que faites‑vous? Autrement dit, quels sont vos autres intérêts?

Les voyages et la natation (quoique je tienne à préciser que je nage dans une piscine historique !)

 

Conversation 2 : Patrimoine paysager

John Zvonar est architecte-paysagiste principal et il a travaillé pendant près de 20 ans pour Parcs Canada et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Considéré comme une sommité dans son domaine, il se voit lui‑même comme appartenant à une tradition qui remonte au milieu du XIXe siècle, mais à une profession qui est cependant relativement nouvelle, du moins au gouvernement. La conservation des paysages existe depuis 1968 au Canada, plus précisément au gouvernement fédéral, et à l'époque, cette science avait pour seul but de préserver les paysages historiques qui relevaient de Parcs Canada. Depuis 1988, la discipline de la conservation des paysages s'est beaucoup développée au gouvernement fédéral. Plus précisément, un architecte-paysagiste de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada est maintenant responsable de fournir des conseils en matière d'architecture du paysage non seulement à la grande famille des lieux historiques nationaux du Canada, mais également aux Anciens combattants, à la Défense nationale, à la cité parlementaire sur la Colline du Parlement, à Ottawa, et aux Archives de guerre du Canada, en France.

Même si John Zvonar a toujours beaucoup voyagé (comme il dit, il n'y a rien de mieux pour un architecte‑paysagiste que de se trouver sur place pour constater ce qui émane d'un lieu), son travail au Bureau national est aujourd'hui beaucoup plus axé sur la gestion. Il sait qu'il représente la mémoire institutionnelle en matière d'architecture du paysage dans son ministère et qu'il doit transmettre son savoir à la nouvelle génération.

Avant de joindre les rangs de Parcs Canada, il a travaillé pour la Ville d'Ottawa et la Commission de la capitale nationale. Il est constamment à l'affût de tout ce qui a un lien avec son travail. Dans la mesure où ce qu'il accomplit a un but et une signification, et qu'il contribue à mettre en valeur l'importance d'un lieu, il est heureux. Il croit que les possibilités d'emplois sont nombreuses dans son domaine parce que la discipline est tellement vaste, et, d'ajouter M. Zvonar : « Nous avons la chance de travailler dehors ! »

Qu'est-ce qu'un architecte en conservation?

Quelqu'un qui est payé pour s'amuser ! Qui a pour mission de percer le mystère du passé ou d'en reconstituer les éléments ! Et qui est payé pour apprendre !

Qu'est-ce qui vous a d'abord poussé vers cette profession? Et quelle sorte de formation avez-vous reçue?

À l'école secondaire (à Thunder Bay), j'allais aux cours du soir en arts, et un enseignant (qui était du type plutôt bohème) s'est intéressé à ce que je faisais et m'a suggéré d'envisager une carrière en architecture. J'ai donc fait une demande d'admission au programme en arts de l'Université du Manitoba, en partie parce que je voulais suivre une fille qui allait là‑bas aussi… N'est‑ce pas toujours comme ça que les choses se passent? Cette fille a disparu de mon champ de vision, mais pas mon intérêt pour les paysages! Et cet intérêt était étroitement lié à l'architecture. Au cours de ma troisième année, j'ai eu la possibilité d'emprunter trois voies différentes : l'aménagement intérieur, l'aménagement paysager et l'architecture. J'ai choisi la deuxième (l'architecture du paysage est un volet de spécialisation du département d'architecture de l'Université du Manitoba).

Susan Buggey - aujourd'hui consultante en patrimoine paysager - a été pour moi à la fois un professeur et un mentor dans mon apprentissage au sein du programme d'architecture du paysage à l'Université du Manitoba. Elle œuvre dans la profession depuis les années 1970, et est l'un des quatre membres fondateurs de l'Alliance for Historic Landscape Preservation - dont je fais partie moi aussi !

Mon premier emploi important consistait à restaurer le parc King Edward à Winnipeg. J'ai ensuite fait un stage au parc Major's Hill à Ottawa (du milieu à la fin des années 1980).Bar U Ranch, Parks Canada, 1993 / Ranch-Bar U, Parcs Canada, 1993

Ma première affectation importante à Parcs Canada a été un travail de restauration du paysage au ranch Bar‑U, en Alberta, au début des années 1990.

Quels styles et périodes sont vos domaines de spécialité?

Tout m'intéresse. Je n'ai pas de domaine d'intérêt particulier. J'aime rencontrer des spécialistes de diverses disciplines et apprendre d'eux, et rencontrer des gens ordinaires et les écouter raconter leur histoire. Ce qui m'amène à toucher à tout, qu'il s'agisse de paysages ou de jardins de l'époque victorienne ou de l'époque moderne, et j'ai eu l'occasion de voyager partout au Canada et ailleurs dans le monde pour apprendre.

Quels ont été vos succès?

J'ai reçu un prix de la fonction publique pour mon travail. Cependant, ce n'est pas aussi important pour moi que d'avoir la possibilité de contribuer à bâtir l'avenir, de tirer un enseignement de l'histoire des autres et de la communiquer à mon tour aux autres.

Comment appliquez‑vous les Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada à votre travail?

Je mets constamment en application les Normes et lignes directrices dans mon travail. Il est utile d'adopter une approche globale lorsqu'un paysage entier et son histoire sont en jeu. Je peux vous donner des exemples. D'abord, le Jardin des provinces, sur la rue Wellington à Ottawa. Il y a plusieurs années, j'ai eu l'occasion de jouer un rôle consultatif dans la restauration de cet espace public moderne; j'ai été en mesure de discuter avec l'architecte‑paysagiste qui l'avait conçu, et il se trouve que c'était son premier projet après avoir été diplômé de Harvard. L'espace en question était censé représenter la paix et l'harmonie, mais ce que j'ai appris d'intéressant, c'est que lors de la cérémonie d'inauguration, à l'automne 1962, les discours faisaient allusion à la crise des missiles de Cuba. Donc, dans un cas comme celui‑là, il est important de connaître le contexte historique.

Voici un autre exemple. J'ai commencé à m'intéresser aux paysages culturels autochtones, en particulier ceux du Nord du Canada. Ces paysages ont beaucoup d'histoire, et ce, à plusieurs niveaux. Bon nombre des éléments historiques et culturels les plus importants sont immatériels, et il faut donc tenter de se forger une « idée » relativement aux paysages qui ont besoin d'être mis en valeur et commémorés de manière tangible.

Je pourrais vous citer encore un autre exemple. Je suis récemment allé à Halifax pour la restauration de l'un des plus anciens cimetières de la région - qui renferme des sépultures datant des années 1740 - qu'une série de vieux appartements du XIXe siècle surplombe. Le directeur des appartements m'a dit que les meilleures intendantes du cimetière sont les vieilles dames qui habitent les appartements, car elles surveillent constamment ce qui s'y passe. Autrement dit, elles étaient les yeux et les oreilles de l'endroit, et sans l'appui et les récits de telles personnes, je n'irais nulle part et mon travail manquerait de justesse.Old Burying Ground NHS, Parks Canada, 1993 / L'Ancien-Cimetière, Parcs Canada, 1993

Dans tous les cas, je crois qu'il est important de discuter avec les résidants pour mieux comprendre un paysage particulier. Il faut les laisser nous guider et apprendre d'eux, et c'est ainsi que vous saisirez l'importance d'un lieu pour une communauté.

Quels sont vos autres intérêts?

Je suis actuellement des cours de danse. Et j'adore voyager, et aussi jardiner.

Autres ressources liées au RCLP :

Patrimoine bâti de l'ère moderne 

Crête de Vimy 

La réhabilitation des lieux patrimoniaux

Jardins historiques

LIENS CONNEXES