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Les pionniers de l’histoire de l’architecture à Parcs Canada !

Cette année, Parcs Canada célèbre son centenaire. Il gère 42 parcs nationaux et quatre aires marines nationales de conservation, mais le nombre de lieux historiques nationaux qu'il administre est Parks Canada / Parcs Canadabeaucoup élevé. Il est en fait de 167. Du lieu historique national dont l'emplacement est le plus élevé au pays, situé au col Abbot, dans les Rocheuses, au lieu historique national situé sur la pointe le plus à l'est du pays, au cap Spear, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, ces lieux patrimoniaux exceptionnels sont protégés parce que le gouvernement fédéral a reconnu l'importance de l'histoire commune du Canada. Or, pour préserver ces endroits pour les générations futures, des employés exceptionnels et dévoués de Parcs Canada ont travaillé inlassablement et avec passion.

En tant que chef de file international dans le domaine de la conservation du patrimoine, Parcs Canada possède une histoire riche en recherches remontant à presque cent ans. Parcs Canada a attiré les meilleurs historiens, archéologues et historiens de l'architecture pour qu'ils travaillent sur le terrain et dans les archives et qu'ils effectuent des recherches pour trouver des documents et des objets significatifs à faire découvrir aux Canadiens et à leur faire apprécier. Sans le travail des historiens, les archéologues subaquatiques ne sauraient pas où chercher les navires disparus de Franklin, l'Erebus et le Terror, dans l'Arctique; sans les recherches menées par les historiens de l'architecture sur les arrondissements historiques urbains, des collectivités risqueraient de perdre les quartiers et l'esprit des lieux qui leur sont chers; sans les ethnohistoriens, les Canadiens perdraient l'histoire des peuples autochtones. Ce mois‑ci, le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux souhaite souligner le travail des historiens de l'architecture de Parcs Canada.

En tant que discipline, l'histoire de l'architecture a permis aux Canadiens de découvrir la riche diversité de l'architecture des bâtiments de leur milieu. C'est durant les années 1960, alors que naît une nouvelle conscience nationale, que les Canadiens commencent à réaliser que leur histoire architecturale est plus intéressante qu'ils ne le pensent. Préoccupés par la pression considérable qu'exerce la croissance de l'après‑guerre au Canada, des citoyens commencent à s'intéresser à la situation des vieux bâtiments du pays, que ce soit des maisons bâties sous le régime français, à l'île d'Orléans, au Québec, aux premiers gratte‑ciel à Winnipeg.

HSMBC plaque commemorating the Battle of Fort George, Parks Canada / Plaque pour commémorer le champ de Bataille du Fort George, Parcs CanadaAu début du XXe siècle, le gouvernement fédéral reconnaît que les endroits ayant eu une fonction militaire ainsi que les postes de traite des fourrures du Canada avaient besoin d'être protégés pour les générations futures. En 1919, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (CLMHC) est fondée pour conseiller le gouvernement sur toutes les questions historiques et les possibilités de commémoration. Parcs Canada travaille alors en étroite collaboration avec la CLMCH pour créer le réseau de lieux historiques nationaux qui nous permet aujourd'hui de comprendre notre histoire collective nationale.

Par contre, à la fin des années 1950, il devient clair que les forts et les postes de traite de fourrures ne constituent que des facettes limités du patrimoine culturel du Canada. En fait, les Canadiens s'intéressent de plus en plus à l'histoire de leur patrimoine bâti. De magnifiques demeures victoriennes, des villages historiques de pêcheurs, des canaux en décrépitude et des fermes vétustes ont été portés à l'attention de Parcs Canada et de la CLMCH par des personnes qui avaient compris que, si l'on ne protégeait pas mieux ces endroits, les générations futures ne pourraient jamais en apprécier la beauté ni l'importance. Par contre, pour évaluer et désigner des lieux, il fallait avoir une bonne idée de ce qu'il y avait à protéger. Combien de bâtiments anciens le pays compte‑t‑il? De quels styles sont‑ils? Quels types de maisons ont été bâtis au cours des siècles? Or, personne ne le savait !

Les débuts

À l'époque, il n'y a qu'une poignée d'historiens spécialisés en architecture au Canada. De plus, les propos d'un éminent universitaire selon lesquels il n'y a pas, au Canada, ce que l'on considère habituellement comme de la grande architecture ou de l'architecture originale (Alan Gowans, Looking at Architecture in Canada, 1958) n'améliorent en rien la situation. Mais, inspirés par la nouvelle prise de conscience nationale qui prédomine pendant les années 1960, les jeunes historiens de l'architecture de Parcs Canada pouvaient voir la « grandeur » intérieure des bâtiments du Canada.

« il n'y a pas, au Canada, ce que l'on considère habituellement comme de la grande architecture ou de l'architecture originale »

- Alan Gowans, Looking at Architecture in Canada, 1958

Parcs Canada a fait œuvre de pionnier en dressant le premier inventaire de bâtiments historiques. Il fait également figure de précurseur, en 1970, lorsqu'il mène une enquête à l'échelle nationale pour répertorier les bâtiments construits avant 1914. Pour diriger l'élaboration du nouvel Inventaire des bâtiments historiques du Canada (IBHC), Parcs Canada embauche l'architecte Barbara Humphreys qui est également chargée de gérer le programme. Contrairement à la plupart des ministères fédéraux de l'époque, Parcs Canada reconnaît le rôle des femmes en tant que professionnelles au sein de son organisation. En fait, la génération suivante profitera de cette vision, car un groupe de femmes dynamiques sont ensuite engagées pour effectuer des recherches et faire connaître aux Canadiens leur histoire architecturale.

Barbara Humphreys comprenait l'architecture. Diplômée de l'Université du Manitoba en architecture en 1941, elle est la première femme au Canada à avoir obtenu le titre d'architecte. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle développe ses compétences en côtoyant des hommes autour des tables à dessin des cabinets privés et des organismes fédéraux. Dans les années 1960, elle est prête pour un changement. L'historien de Parcs Canada, Jack Richardson, spécialiste de l'architecture québécoise, savait qu'il y avait un besoin urgent d'experts en architecture canadienne.

Un projet pilote visant à effectuer un relevé du corridor du canal Rideau est  la première étape pour élaborer les outils à l'appui d'un relevé national de plus grande envergure. Comme le raconte Barbara Humphreys : « On n'avait aucune idée de ce qu'il y avait, et personne ne savait comment l'établissement des populations dans les environs du canal Rideau s'était fait. Il n'existait aucun relevé d'ensemble; il n'y avait que quelques documents portant sur certains bâtiments. » On comprend pourquoi les travaux innovateurs de Barbara Humphreys ont amené l'UNESCO à inscrire le canal Rideau sur la Liste du patrimoine mondial !

Example of a CIHB index card, 1970/ Example d'une fiche du , 1970En 1970, le programme de relevé est lancé à l'échelle nationale. Des étudiants embauchés durant les mois d'été sont envoyés partout au pays pour recueillir des données sur des municipalités et des villes; ils doivent notamment prendre des photographies et remplir des fiches descriptives détaillées. Pour rassurer les résidants inquiets de voir de jeunes personnes s'affairer à prendre leurs demeures en photo, des annonces publicitaires sont diffusées à la télévision pour informer la population que leurs maisons pourraient faire l'objet d'un relevé. Mais il arrivait parfois que les choses ne se déroulent pas comme prévu !

Dre Christina Cameron, ancienne directrice générale des lieux historiques nationaux, à Parcs Canada, se souvient d'une expérience difficile qu'elle a vécue en tant que jeune membre d'une équipe chargée d'effectuer le relevé du quartier Saint‑Roch, dans la basse‑ville de Québec, en octobre 1970, au plus fort de la crise d'Octobre! Munie de sa caméra et de son cahier de notes, elle a soudainement été arrêtée et a passé la nuit en prison. Un curieux hasard, car Dre Cameron s'est retrouvée à la tête du programme à la fin des années 1970, et a contribué à faire de la Direction générale des lieux historiques nationaux le principal centre d'excellence sur les connaissances en matière de patrimoine bâti et d'histoire au pays. Les données qu'elle a recueillies dans le quartier Saint‑Roch ont permis de préserver un des quartiers urbains les plus dynamiques au Canada !

Au milieu des années 1970, les premières étapes de l'élaboration de l'IBHC sont presque terminées, et l'IBHC contient des données sur 169 000 bâtiments. Les renseignements sur l'aménagement intérieur de deux mille de ces bâtiments ont été consignés de manière très détaillée. Le but principal de l'IBHC est de fournir un échantillon de bâtiments situés partout au Canada, sur lequel la CLMHC pourra se fonder lors des évaluations. Chaque bâtiment est identifié, daté et décrit. Des ordinateurs centraux de première génération traitent les données afin d'en faciliter la sélection.L'Architecture du Canada, 1976

Janet Wright, une employée qui a commencé sa carrière avec Parcs Canada, se souvient que l'IBHC était le premier outil au pays à réunir en un seul endroit des données exhaustives permettant de comprendre la richesse de l'architecture canadienne. Les analystes estimaient que l'IBHC pouvait servir à réaliser d'autres projets de plus grande envergure. Une des réalisations les plus connues, qui découle de l'IBHC, est la publication par Parcs Canada, en partenariat avec  Reader's Digest, d'un ouvrage intitulé L'architecture du Canada. Ce guide sur les styles architecturaux du Canada, destiné aux profanes, a été envoyé à des dizaines de milliers de Canadiens. Outil inestimable encore de nos jours, il témoigne de la capacité de Parcs Canada à joindre les Canadiens et à répondre à leurs besoins.

Parcs Canada : Un chef de file de l'histoire de l'architecture

Devenu un des principaux centres de connaissances, envié partout dans le monde, Parcs Canada se donne une nouvelle orientation à la suite des nombreux projets de consignation réalisés au cours des années 1970. Il est maintenant temps de faire connaître aux Canadiens leur patrimoine architectural. Comme le raconte Janet Wright : « La meilleure façon d'écrire sur l'histoire architecturale du Canada consiste à se fonder sur la recherche réalisée sur les styles précis. » En 1979, deux publications pilotes sont réalisées pour la série « Lieux historiques canadiens : cahiers d'archéologie et d'histoire » : Le style second Empire dans l'architecture canadienne et Le style néo‑gothique dans l'architecture canadienne. Depuis, aucune autre étude exhaustive sur les styles populaires d'architecture au Canada n'a été menée.

Visiting Laurier House National Historic Site, Parks Canada / Une visite au lieu historique national de la Maison Laurier, Parcs CanadaDurant les années 1980, Parcs Canada appuie une génération de chercheurs et l'encourage à poursuivre les travaux entamés par ces pionniers de l'histoire de l'architecture qui ont mis en place l'IBHC. Ainsi, de nombreux autres endroits sont désignés lieux historiques nationaux en raison de leurs styles architecturaux et du type de bâtiment qu'ils représentent. Grâce à tout le travail accompli par les historiens de l'architecture, les Canadiens peuvent maintenant visiter des monuments à l'architecture magnifique partout au pays et consulter le RCLP pour en apprendre davantage sur leurs particularités. Les publications produites par Parcs Canada, y compris Le style néo‑Queen Anne dans l'architecture du Canada, de Leslie Maitland, Le Style palladien dans l'architecture canadienne, de Nathalie Clerk, et le Style mouvement pittoresque dans l'architecture canadienne, de Janet Wright, ont toutes été écoulées dès leur première édition ! Elles commencent maintenant à être disponibles en version électronique téléchargeable.

Jeter les assises

Les historiens de l'architecture de Parcs Canada ont jeté les assises des travaux qui ont permis de sensibiliser davantage les Canadiens à la richesse de l'histoire de l'architecture de leur pays. En une génération, le profond changement entourant l'intérêt porté à l'égard de l'architecture a donné lieu au déploiement de plus grands efforts en matière de protection et de conservation partout au pays. En tant qu'historiens publics, ces auteurs ont réussi à toucher un plus grand nombre de Canadiens grâce à leurs ouvrages de vulgarisation sur des milliers de lieux patrimoniaux.

De nos jours, heureusement, nombre des endroits qui figurent au RCLP et sur lesquels les spécialistes de Parcs Canada ont attiré notre attention sont devenus des emblèmes précieux pour tous les Canadiens. Préserver ces endroits a permis de faire ressortir l'esprit du lieu de nombreuses collectivités, de prévenir la perte de bâtiments et d'encourager les gens créatifs à donner à ces endroits une vocation qui tient compte de la nouvelle économie.

En tant qu'organisme centenaire, Parcs Canada voit son rôle à l'échelle nationale, qui consiste à protéger et à mettre en valeur des exemples représentatifs du patrimoine culturel du Canada, et à favoriser chez le public la connaissance, l'appréciation et la jouissance, de manière à en assurer l'intégrité commémorative pour les générations d'aujourd'hui et de demain, se concrétiser dans le travail colossal d'une génération d'historiens de l'architecture qui ont dévoué leur carrière à servir le mandat de l'Agence.

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