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Les bibliothèques Carnegie au Canada

Les bibliothèques sont des lieux importants de création et d'échanges à l'échelle locale et mondiale. Elles mettent à la disposition de tous des outils d'apprentissage gratuits et accessibles. Ces institutions jouent un rôle essentiel au sein des communautés canadiennes, et c'est précisément sur ce point que l'on souhaite attirer l'attention tous les mois d'octobre dans le cadre du Mois des bibliothèques au Canada. Selon l'Association canadienne des bibliothèques, plus de 23 000 bibliothécaires et commis de bibliothèque travaillent dans plus de 22 000 bibliothèques situées partout au pays, qu'il s'agisse de petites localités rurales ou d'importantes zones métropolitaines. Il y a un peu plus d'un siècle, le philanthrope américain Andrew Carnegie a jeté les bases de ce qui est aujourd'hui le réseau moderne de l'information en investissant des millions de dollars dans la conception, la construction et le développement soutenu des bibliothèques au Canada et à l'étranger. Certains de ces magnifiques édifices historiques ont conservé leur fonction d'origine. Le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux est fier de mettre à l'honneur la création du réseau de bibliothèques du Canada en dressant le portrait de quelques bibliothèques construites grâce à la générosité d'Andrew Carnegie.Toronto Public Library, c.1910, TPL Special Collection / Bibliothèque publique de Toronto, c.1910, BPT collection spéciale

Au début des années 1890, Andrew Carnegie, industriel et millionnaire américain d'origine écossaise, écrit que les bibliothèques gratuites ou « publiques » comptent parmi les institutions qui bénéficieraient le plus de la philanthropie et qu'elles sont le plus « beau cadeau » que l'on puisse offrir à une communauté. Carnegie souligne qu'il doit sa réussite personnelle en partie aux livres qu'il a lus dans les bibliothèques pendant son enfance et son adolescence. Toutefois, la plupart des bibliothèques au XIXe siècle ne sont pas gratuites; comme des frais d'inscriptions annuels sont requis, seuls les plus riches ont les moyens d'« emprunter » des livres.

Fidèle à sa parole, Carnegie annonce en 1898 qu'il commencera à investir dans la construction de bibliothèques publiques aux États-Unis et à l'étranger. La « formule Carnegie », qui supposait que Carnegie se charge des coûts d'investissement liés à la construction et que les municipalités assument les dépenses associées aux activités courantes, s'inscrivait dans un système de valeurs plus vaste voulant que tous aient la possibilité de s'instruire. Au terme de vingt ans d'investissements qui s'élèvent à plus de 56 millions de dollars, la Carnegie Corporation aura contribué à la construction de 2 509 bibliothèques partout dans le monde. Au Canada, un investissement de 2,5 millions de dollars aura permis la construction de 125 bibliothèques. La plupart d'entre elles seront construites en Ontario (111), mais certaines seront aussi bâties dans d'autres provinces et territoires (trois en Alberta, trois en Colombie‑Britannique, quatre au Manitoba, une au Nouveau‑Brunswick, deux en Saskatchewan et une au Yukon).

Le financement de nouvelles bibliothèques dans les municipalités et les villes canadiennes est lié à bon nombre de problèmes de société de l'époque. À la fin du XIXe siècle, on observe un accroissement significatif de la population canadienne, ce qui augmente ainsi le nombre de personnes voulant bénéficier de services de bibliothèque gratuits. Les élus des villes et des municipalités constatent rapidement que les locaux mis à la disposition des bibliothèques de prêt sont désormais inadéquats et qu'il n'y a pas suffisamment de fonds pour construire des édifices qui répondront aux nouveaux besoins. Il n'est donc pas surprenant de constater que l'annonce du programme de financement de Carnegie sera accueillie avec beaucoup d'enthousiasme.

Les premières bibliothèques Carnegie au Canada, construites entre 1901 et 1905, ne sont pas conçues selon des plans normalisés. Les architectes qui les dessinent ont la liberté de s'abandonner à leur propre imagination, ou encore d'utiliser des techniques architecturales devenues populaires à la fin du XIXe siècle. Par exemple, la Winnipeg Library, Manitoba Culture, Heritage & Tourism / Bibliothèque de Winnipeg, Culture, Patrimoine & Tourism du Manitobabibliothèque située au 794, rue Yates à Victoria, en Colombie‑Britannique (1904), a été conçue selon le style néo‑roman. Conçu par les architectes de renom Thomas Hooper et Charles E. Watkins de Victoria, cet édifice marie des éléments extérieurs formels à des éléments intérieurs intimes, créant ainsi une structure bien en vue dans le centre‑ville de Victoria. On le reconnaît à son portique en arc, à son balcon et à ses corniches ioniques à l'étage supérieur, ainsi qu'à ses blocs de grès en bossage disposés de manière ornementale. Ses grands espaces intérieurs se caractérisent par des vitraux, des plafonds et des vestibules voutés et des piliers décorés. Cette bibliothèque Carnegie, bâtiment historique très important situé près de l'arrondissement historique de Victoria, a été commémorée en 1996 grâce à un timbre‑poste de 5 $.

La Ville de Vancouver a également bénéficié de la générosité d'Andrew Carnegie. La bibliothèque située à l'intersection des rues Main et Hastings a été érigée entre 1901 et 1903. Conçue selon un style éclectique et audacieux par l'architecte de renom George William Grant (1852-1925) de New Westminster, elle témoigne de l'édification rapide de la ville et de l'effervescence qui y régnait au tournant du siècle. Cet édifice imposant, qui regroupe certains des éléments les plus intéressants de l'architecture victorienne, est caractérisé par ses parements de granit, un portique et un dôme en coin de style ionique, des fenêtres cintrées inspirées du style roman et des toitures à la Mansart. L'intérieur est composé d'un escalier d'honneur incurvé intégré au portique, de planchers couverts de tuile [mosaïque] et de vitraux représentant William Shakespeare, John Milton, Robert Burns, sir Walter Scott et sir Thomas Moore. Pendant plus de cinquante ans, l'édifice abritera la succursale centrale de la bibliothèque publique de Vancouver et du Musée de Vancouver. Aujourd'hui s'y trouvent une succursale de la bibliothèque ainsi qu'un centre communautaire offrant des services d'aide aux personnes habitant l'Est de Vancouver, près du LHN de l'arrondissement historique de Gastown. La nouvelle succursale centrale, située dans le centre‑ville, est un édifice massif dont les formes rappellent le colisée romain; elle s'inscrit ainsi dans la tradition voulant que l'on ait recours à des formes architecturales audacieuses pour attirer les visiteurs.

Parmi les autres bibliothèques financées par Carnegie dans l'Ouest canadien, mentionnons la bibliothèque publique de Strathcona (néo‑classique, 1913) à Edmonton, la bibliothèque de Memorial Park (néo‑classique, 1909) à Calgary, la bibliothèque Carnegie (néo‑classique, 1903-1908) à Winnipeg et la bibliothèque publique de North Battleford (style georgien classique, 1916). Il existe même une bibliothèque Carnegie dans le Nord, au lieu historique national de Dawson City, au Yukon! Dans l'Est du Canada, bien qu'elles n'aient pas été directement financées par Andrew Carnegie, mentionnons la bibliothèque publique L. P. Fisher (style néo‑grec) à Woodstock, au Nouveau‑Brunswick, et le LHN de la Bibliothèque‑Publique‑et‑Salle‑d'Opéra‑Haskell (style néo‑Queen Anne) à Stanstead, au Québec, qui ont certainement été inspirés des idéaux philanthropiques d'Andrew Carnegie.

De 1905 à 1917, année qui marquera la fin du programme de financement des bibliothèques, la Fondation Carnegie instaurera l'utilisation de plans normalisés. Cette normalisation est particulièrement manifeste dans les bibliothèques Carnegie construites en Ontario. Il s'agit pour la plupart d'édifices de style Beaux‑Arts érigés dans de petites municipalités. Pendant la première décennie du XXe siècle, ce style devient extrêmement populaire auprès des architectes et des urbanistes, qui s'intéressent alors aux principes du mouvement City Beautiful, mouvement qui repose sur l'idée que les rues doivent être bien conçues et agréables à l'œil, regroupant des espaces verts et des édifices emblématiques de style classique. Par conséquent, bon nombre d'édifices institutionnels construits entre 1900 et 1914 ont été conçus selon le style néo‑classique ou Beaux‑Arts. Les bibliothèques de ce Brantford Library, City of Brantford / Bibliothèque de Brantford, ville de Brantfordstyle se caractérisent généralement par un escalier d'honneur extérieur conduisant vers les grandes portes de l'entrée principale, des colonnes de style classique, des frontons triangulaires centraux, de larges fenêtres disposées symétriquement de chaque côté de l'entrée, et même des dômes.

Impossible de ne pas reconnaître les bibliothèques Carnegie : les mots  « BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE » ou « BIBLIOTHÈQUE CARNEGIE » figurent en évidence à l'entrée du bâtiment. L'aménagement intérieur d'origine des bâtiments était accueillant et chaleureux; les parquets de chêne, les plafonds hauts, les étagères de bois finement exécutées, les vitraux et les foyers formaient le décor parfait pour profiter des services offerts par la bibliothèque. La plupart de ces édifices existent toujours, ce qui témoigne de la qualité de leur conception et de leurs matériaux.

Parmi les exemples de bibliothèques Carnegie construites selon le style Beaux‑Arts en Ontario, mentionnons l'impressionnant édifice de deux étages et demi situé au 73, rue George, à Brantford. L'édifice, érigé en 1902 et dessiné par la firme Stewart, Stewart et Taylor, est l'un des principaux attraits du Victoria Park Square au centre‑ville de Brantford. Mentionnons également la bibliothèque de St. Mary's (1904‑1905), la bibliothèque de Niagara Falls (1910) ou la très belle bibliothèque de Perth (1906), conçue par l'illustre architecte canadien Frank Darling. Une des bibliothèques Carnegie s'écarte toutefois du modèle traditionnel des Beaux-Arts : il s'agit de l'édifice Goderich, construit en 1902 selon le style roman, coiffé d'un tour en coin.

Bien qu'elle soit située dans une ville beaucoup plus grande, la bibliothèque publique de Toronto a elle aussi bénéficié d'investissements de la Fondation Carnegie. La première subvention de 350 000 $ a permis de construire la nouvelle succursale centrale de la bibliothèque (terminée en 1909) et trois succursales secondaires (Yorkville, 1907; Queen et Lisgar, 1909; et Riverdale, 1910). En 1916, une deuxième subvention de 50 000 $ a permis la construction des succursales de Beaches, de High Park et de Wychwood. Trois autres succursales ont ensuite vu le jour l'année suivante. La plupart de ces bibliothèques sont toujours ouvertes. Perth Library, c1907, Archives of Ontario / Bibliothèque de Perth, c.1907, Archives de l'OntarioÀ l'heure actuelle, la bibliothèque publique de Toronto offre ses services à environ 18,5 millions de personnes dans 98 succursales, et prête plus de 32 millions documents, ce qui en fait l'un des réseaux de bibliothèques les plus utilisés au monde.

Les bibliothèques Carnegie témoignent des communautés florissantes et remplies d'espoir qui leur ont donné naissance. Elles ont été créées pour servir de points de repère importants, et pour encourager les gens à tisser des liens plus serrés au sein de leur communauté. Plus d'un siècle plus tard, les bibliothèques Carnegie ont toujours la même mission. Il importe également de souligner que la plupart de ces bibliothèques servent aujourd'hui de lieu d'entreposage pour les ressources historiques des communautés locales, aidant ainsi les chercheurs à rassembler des données qui conduisent à d'importantes désignations de lieux historiques. Alors que nous célébrons aujourd'hui les manières dont les bibliothèques permettent à la population canadienne d'avoir accès gratuitement à de nombreux récits, à des ressources d'information électroniques et à des médias sociaux, il importe de se rappeler comment cette longue tradition a pris naissance.

Liste des bibliothèques Carnegie en Ontario et au Canada

Bibliothèques Carnegie en Ontario

Bibliothèques Carnegie au Canada (en anglais seulement)

Autres sources

Sources électroniques

Sources imprimées

Beckman, Margaret, Stephen Langmead, and John Black. The Best Gift: A Record of the Carnegie Libraries in Ontario. Toronto and London: Dundurn Press, 1984.

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