Maintiens le droit : La Police à cheval du Nord-Ouest (1873 1920)
Les tuniques rouges s'en viennent! Non, il ne s'agit pas de
l'armée britannique, mais bien des agents de la Gendarmerie royale
du Canada (GRC). La police montée et l'uniforme des gendarmes,
composé du chapeau Stetson, des bottes brunes Strathcona, de la
culotte d'équitation bleue garnie d'une bande jaune sur chaque côté
et, surtout, de la tunique rouge si caractéristique, font partie
des symboles du Canada les plus connus au monde. Découvrez
l'histoire du célèbre service de police national du Canada, né sous
le nom de Police à cheval du Nord-Ouest (P.C.N.-O.), grâce aux
lieux patrimoniaux associés à cette organisation, qui a été créée
pour maintenir la loi et l'ordre dans l'Ouest canadien.
En 1870, le gouvernement fédéral achète les Territoires du
Nord-Ouest (c.-à-d. la région qui compose aujourd'hui
l'Alberta et la Saskatchewan) de la Compagnie de la Baie d'Hudson.
Pour le premier ministre sir John A. Macdonald, il
faut cependant mettre sur pied un corps de police suffisamment fort
pour contrôler ce vaste territoire sauvage et sans loi,
particulièrement pour freiner la contrebande de whisky en plein
essor. Il faut également assurer de bonnes relations entre les
communautés autochtones et le nombre croissant de colons venus
peupler l'Ouest afin d'étendre la souveraineté canadienne d'un
océan à l'autre. C'est donc pour ces raisons et pour d'autres
encore que la P.C.N.-O. est créée en 1873-1874.
Pour apprécier pleinement l'histoire fascinante de la GRC, il
faut en comprendre les origines. Bâti en 1874-1875, le fort Livingstone, en Saskatchewan, représente
l'un des premiers postes construits pour la P.C.N.-O. En plus
d'être le quartier général de l'organisation, le fort fait office
de capitale des Territoires du Nord-Ouest en 1876
et 1877. Le fort accueille 185 hommes jusqu'à ce que le
quartier général de la P.C.N.-O. soit déplacé au fort Macleod, en Alberta. C'est dans ce fort
nommé en l'honneur de James F. Macleod, commissaire
adjoint de la P.C.N.-O., que se déroulent les premières
négociations avec les Premières nations, à savoir la Confédération
des Pieds‑Noirs. En maintenant la loi et en respectant le mode de
vie des Premières nations, Macleod gagne la confiance des
Pieds-Noirs, ce qui contribue au peuplement sans heurt du sud de
l'Alberta.
Le 8 juillet 1874, la
P.C.N.-O. quitte le fort Dufferin, au Manitoba, pour entreprendre
sa célèbre « Marche vers l'Ouest ». Le spectacle est
impressionnant : plus de 200 hommes, accompagnés de
310 chevaux, de bœufs et d'autres animaux d'élevage, se
dirigent vers l'Ouest avec des armes et des provisions pour trois
mois dans le but d'atteindre le sud de l'Alberta. Déterminée à
enrayer la contrebande de whisky qui prend de l'expansion dans
l'Ouest, alors laissé à lui-même, la troupe marche en direction du
fort Whoop-Up, l'un des postes de traite du
whisky américain les plus anciens, les plus grands et les plus
connus du sud de l'Alberta. À l'époque, de nombreux Américains
s'établissent de l'autre côté de la frontière pour échapper à
l'interdiction de vendre de l'alcool aux États-Unis et pour
profiter du fait que l'Ouest canadien ne dispose pas des forces
nécessaires pour enrayer la contrebande. Le fort Whoop-Up, et la
contrebande de whisky en général, met en péril l'autorité du
gouvernement canadien sur ses propres territoires; la P.C.N.-O.
représente la solution à ce problème. À La Roche Percée, en Saskatchewan, la troupe se
sépare en deux : une partie des membres de l'expédition se
dirigent vers le nord pour y établir un poste de la P.C.N.-O.,
tandis que les autres poursuivent leur marche jusqu'au fort
Whoop‑Up, où ils s'installent en octobre. La « Marche vers
l'Ouest » laissera une marque importante dans l'histoire du
Canada, car chaque pas que parcourront les gendarmes de la
P.C.N.-O. aura une incidence durable sur la loi et l'ordre.
La Rébellion du Nord‑Ouest de 1885 est largement attribuée
à l'arrivée constante de colons dans l'Ouest ainsi qu'à la
violation des droits des Métis. La P.C.N.-O. se mêle au conflit et
se bat pour rétablir l'ordre, notamment lors de la bataille de Duck Lake, au fort Battleford et à Batoche. Les « Steele's Scouts »,
dirigés par le major-général Samuel B. Steele de la
P.C.N.‑O., sont chargés de capturer Gros Ours, le chef des
Cris-des-Plaines. Gros Ours capitule devant la P.C.N.-O. au
fort Carlton. 
Les efforts de la P.C.N.-O. pour rétablir la loi et l'ordre ne
s'arrêtent pas là. Le 16 août 1896, des cris de joie se
font entendre dans la région nordique du Yukon, où des prospecteurs
viennent de trouver des quantités d'or importantes à la Bonanza Creek. Cette trouvaille marque le
début de la ruée vers l'or du Klondike, dans le cadre de laquelle
d'innombrables personnes affluent vers la région, qui était
jusque‑là très peu peuplée, pour y établir une concession. Ces
arrivées soudaines forcent le gouvernement à mettre en place des
mesures de réglementation. Un petit contingent de gendarmes de la
P.C.N.-O. se trouve déjà dans la région depuis le début de l'été,
mais il devient rapidement évident que des renforts seront
nécessaires. En 1898, plus de 250 gendarmes sont basés au
Yukon. La présence de la P.C.N.-O. comme autorité gouvernementale
devient un symbole et un gage de sécurité au milieu de la frénésie
de la ruée vers l'or. Le fort Steele témoigne de la stabilité et de
l'ordre amenés par la P.C.N.-O. dans la région pendant cette
période. Samuel B. Steele, récemment nommé surintendant
et responsable de la région, décrit l'impact de la P.C.N.-O. en ces
termes : « La conduite de ces gens changeait dès [que les
gendarmes de la P.C.N.-O.] franchissaient le sommet. Le pistolet
était mis dans la valise et ne servait plus. Le bandit, s'il y en
avait, changeait de manière d'agir, personne ne le
craignait. » La P.C.N.-O., malgré sa jeunesse, commence déjà à
se forger une réputation.
Bien que la P.C.N.-O.
n'est censée être qu'une mesure temporaire, ses efforts pour
maintenir l'ordre se poursuivent et sont reconnus par le roi
Édouard VII, qui accorde au service le titre
« royale » en 1904. Il devient clair que la
P.C.N.-O. est là pour rester. Son rôle dans la société canadienne
prend de l'ampleur, particulièrement lors de la guerre d'Afrique du
Sud (1899‑1902) et des deux Guerres mondiales. Le
1er février 1920, la Royale gendarmerie à
cheval du Nord-Ouest fusionne avec la Police fédérale pour devenir
le service aujourd'hui connu sous le nom de Gendarmerie royale du
Canada. La devise du corps policier est toujours demeurée la
même : Maintiens le droit. De ses humbles débuts, la
P.C.N.-O. s'est développée pour symboliser l'engagement du Canada
envers cette devise, hier et aujourd'hui.