Victor Bourgeau
Les édifices religieux construits partout au Canada ont joué un
rôle important dans la définition de notre identité. À Montréal,
avant la Révolution tranquille des années 1960, on
construisait des églises partout dans la ville pour répondre aux
besoins spirituels des résidants. Au cours du
XIXe siècle, Victor Bourgeau a été un des
architectes les plus réputés de Montréal. Sa carrière remarquable
est relatée dans le Biographical Dictionary of Architects in
Canada.
Bourgeau est né en 1809 à Lavaltrie, au Québec. Issu d'une
famille pauvre, il est analphabète et ne reçoit pas une éducation
formelle. Durant son adolescence, il travaille pour son oncle en
tant qu'apprenti menuisier et charpentier. On prétend que sa
rencontre avec Angelo Pienovi, au cours des années 1830,
aurait modifié le cours de sa carrière. Pienovi serait celui qui a
enseigné les techniques de dessin à Bourgeau. Il pourrait même lui
avoir montré à lire et à écrire. Une chose est sûre : un
Canadien exceptionnel émerge de l'ombre.
Bourgeau reçoit sa première commande en 1839; on lui demande de
réaliser des sculptures d'autels et d'autres travaux décoratifs
dans plusieurs édifices religieux de Boucherville. Au cours de
cette période, il participe également à d'autres projets de moindre
ampleur au célèbre lieu historique national du Canada de la
Basilique‑Catholique‑Notre‑Dame, à
Montréal.
Au début des années 1840, la réputation de Bourgeau ne
cesse de croître. Les styles néoclassique et néogothique sont
populaires à Montréal et se reflètent dans ses travaux futurs. Il
est d'ailleurs probable que Bourgeau ait reçu une formation en
architecture de John Ostell, un architecte connu de la ville,
puisque l'influence de ce dernier est présente dans les dessins
réalisés par Bourgeau pendant cette période. Le fait que Bourgeau
achèvera certains travaux qu'Ostell n'était plus en mesure de
terminer en raison de son âge avancé tend à confirmer cette
hypothèse.
Le style de Bourgeau peut être décrit comme étant
essentiellement néogothique et se caractérise par des façades aux
ornements élaborés et des clochers. Son style, qui s'inspire
souvent de l'architecture britannique et américaine, est grandement
influencé par Thomas Baillairgé.
C'est en 1847 que Bourgeau se fait un nom en réalisant le
lieu historique national du Canada de la Basilique‑St. Patrick à Montréal.
Construite de 1843 à 1847, dans le style néogothique français, la
basilique a été conçue pour servir d'église paroissiale aux
immigrants irlandais. Bourgeau était chargé de superviser
l'exécution des décorations à l'intérieur de l'église, et le
résultat a suscité un grand intérêt.
En 1851, Bourgeau devient l'architecte principal du presbytère
et de l'église du lieu historique de Saint‑Pierre‑Apôtre, des édifices qui
figurent encore aujourd'hui parmi les plus beaux exemples
d'architecture néogothique au Canada.
Bourgeau réalise ses travaux les plus importants de 1857 à 1880,
période au cours de laquelle on lui demande de redécorer
l'intérieur du lieu historique national du Canada de la
Basilique‑Catholique‑Notre‑Dame. Pour ce faire, il reste
fidèle à son style préféré, celui qui l'a rendu célèbre, le
néogothique, et choque l'Église catholique, son client le plus
important. Les catholiques romains estiment que ce style évoque
trop celui des églises protestantes de la ville. À partir de 1865,
les églises de Bourgeau, notamment les travaux qu'il exécute à
l'Église de Saint-Raphaël-Archange, affichent des
caractéristiques néobaroques et néoromaines étant donné qu'il
s'agissait des styles d'architecture préconisés pour les édifices
catholiques romains au Québec. Puis, des années 1850 aux années
1880, les nouvelles préférences stylistiques de Bourgeau dominent
l'architecture des établissements religieux à Montréal.
On demande à Bourgeau d'être l'architecte principal du
lieu historique national du Canada de la Cathédrale‑Marie‑Reine-du-Monde et on l'envoie à Rome pour qu'il étudie la
basilique Saint‑Pierre et qu'il la reproduise en modèle plus petit
à Montréal. Bourgeau refuse l'offre en expliquant qu'il est
impossible de reproduire un tel chef‑d'œuvre à plus petite échelle
tout en conservant l'authenticité. Il accepte par contre de
superviser Joseph Michaud, l'architecte qui entreprend le
projet.
Durant les années 1870, Bourgeau collabore avec
Étienne‑Alcibiade Leprohon et commence à travailler sur des
projets qui ne se rapportent pas à des églises. Bourgeau et
Leprohon sont notamment les architectes principaux du
Couvent de
Congrégation-de-Notre-Dame construit pour les Sœurs
grises en 1877. La construction de cet édifice de style
Second Empire permet à Bourgeau d'attirer de nouveaux clients
et d'agrandir son atelier avant son décès en 1888, à l'âge de 78,
alors qu'il est à Montréal pour les affaires.
Bourgeau était sans contredit le plus important architecte
d'édifices religieux de Montréal. Son œuvre subsiste parce que les
églises qu'il a conçues ont fait l'objet d'une désignation et
qu'elles sont protégées par la Ville de Montréal, en vertu de la
Loi sur les biens culturels du Québec.
Bourgeau se distingue en tant que l'un des plus grands architectes
canadiens depuis 1800 en raison de la trentaine de bâtiments
historiques associés à son nom dans le Répertoire canadien et du
fait qu'un article biographique complet lui est dédié dans le
Biographical Dictionary of Architects in Canada
1800‑1950.