Parcs Canada et la conservation : garder nos lieux patrimoniaux bien vivants
Depuis longtemps, l'Agence Parcs Canada protège et met en valeur
des exemples représentatifs du patrimoine naturel et culturel du
Canada. L'Agence, qui célèbre cette année son centenaire,
administre 167 lieux historiques nationaux et joue un rôle de
premier plan à l'échelle nationale dans la conservation des lieux
patrimoniaux du Canada. En collaboration avec les gouvernements
provinciaux et territoriaux, Parcs Canada a conçu des outils
de
conservation comme le Répertoire
canadien des lieux patrimoniaux, qui représente la source
d'information par excellence sur les lieux patrimoniaux du Canada,
ainsi que les Normes et lignes directrices pour la
conservation des lieux patrimoniaux au Canada, un manuel de
référence sur la conservation des ressources patrimoniales.
Parcs Canada exerce également un leadership dans le domaine de
la conservation du patrimoine bâti dans le cadre du Programme de partage des frais des lieux
historiques nationaux du Canada, un programme de contributions qui
fournit un soutien financier aux lieux historiques nationaux
admissibles qui n'appartiennent pas au gouvernement fédéral afin de
les aider à réaliser des activités contribuant à la protection de
nos trésors nationaux pour les générations de demain.
L'Agence possède et exploite de nombreux lieux historiques
nationaux et édifices du patrimoine au Canada, et elle contribue à
la gestion des endroits qui ne lui appartiennent pas.
Parcs Canada appuie également les programmes d'autres
organismes de conservation tels que la Commission des lieux et
monuments historiques du Canada (CLMHC) et le Bureau d'examen des édifices
fédéraux du patrimoine (BEEFP). Les lieux patrimoniaux du Canada qui
ont été désignés à l'échelle fédérale, provinciale, territoriale et
municipale sont inscrits dans le Répertoire canadien en ligne à
l'adresse : www.lieuxpatrimoniaux.ca. De nouvelles
inscriptions sont ajoutées chaque semaine au fur et à mesure que
les lieux patrimoniaux sont reconnus officiellement par les divers
ordres de gouvernement. Cependant, les bâtiments ne peuvent pas
tous être désignés officiellement, et de nombreux lieux
patrimoniaux risquent aujourd'hui de disparaître parce qu'ils
auront été démolis ou laissés à l'abandon.
C'est vieux et c'est moche, rasez‑le! Selon nous, la
protection du patrimoine est avant tout une question de
perspective. Au fur et à mesure que le nombre d'édifices à valeur
patrimoniale diminue dans les villes et les villages, on saisit de
plus en plus la logique de réhabiliter les bâtiments existants. On
examine trop souvent les bâtiments hors de leur contexte en les
considérant uniquement comme des exemples « modestes » de
leur style architectural plutôt que comme des éléments précieux qui
contribuent à l'ensemble de l'arrondissement historique dans lequel
ils sont situés. Il est maintenant admis que la meilleure façon de
protéger les bâtiments âgés et le caractère unique d'un quartier
consiste à s'assurer que les bâtiments demeurent en fonction.
Il est de plus en plus fréquent que l'on convertisse de vieux
bâtiments pour leur donner une nouvelle vocation résidentielle ou
commerciale. L'importance que l'on accorde aujourd'hui aux enjeux
environnementaux incite les entrepreneurs et les architectes à
réutiliser les vielles structures, surtout dans les régions où les
terrains sont limités. Il est souvent préférable de conserver la
fonction d'origine d'un bâtiment, car on restreint ainsi les
changements qu'il faut apporter à ses caractéristiques
fondamentales. Cependant, s'il n'est plus possible d'exploiter le
bâtiment dans sa forme actuelle, plusieurs solutions peuvent
souvent être envisagées pour y donner une nouvelle vie. Ainsi, les
vastes espaces ouverts que l'on trouve dans les églises contraintes
de fermer leurs portes offrent de nombreuses possibilités. Par
exemple, à Halton Hills, en Ontario, l'ancienne église
congrégationaliste de Georgetown est devenue la bibliothèque publique et le centre culturel de
Georgetown, qui a conservé les vitraux d'origine de
l'église.
D'un point de vue économique, la réhabilitation des bâtiments
âgés prend tout son sens dans le contexte actuel, où les coûts de
construction ne cessent d'augmanter. Comme les villes
canadiennes évoluent, il arrive souvent que les bâtiments qui ne
remplissent plus leur fonction d'origine soient laissés à l'abandon
et qu'ils se détériorent jusqu à ce que d'importants travaux de
réfection soient nécessaires pour assurer leur intégrité
structurale. Il peut être moins coûteux de modifier une
structure pour lui donner une nouvelle fonction que de construire
un nouveau bâtiment, sans compter que la remise en état d'un
bâtiment peut insuffler une nouvelle vie dans un quartier en
déclin. En outre, il est souvent moins long de remettre en état un
bâtiment âgé que d'en construire un nouveau. Les bâtiments
historiques consomment souvent moins d'énergie, et ils peuvent
représenter des espaces commerciaux et résidentiels plus abordables
que les bâtiments récents.
Récemment, la valeur de l'architecture vernaculaire du Canada a
été réévaluée. Par le passé, le terme « patrimoine bâti »
évoquait souvent une architecture monumentale, comme des domaines
de campagne, des cathédrales et de grands bâtiments municipaux.
Aujourd'hui, on comprend de plus en plus la valeur de
l'architecture vernaculaire et industrielle « courante »
ainsi que l'importance des bâtiments dans leur contexte historique.
Si l'on assiste actuellement à la disparition constante de notre
parc immobilier « moins remarquable », il est possible de
sauvegarder ces ressources accumulées en adoptant une approche de
valorisation créative.
L'un des premiers bâtiments ayant été remis en état et inscrit
au Répertoire canadien est la salle paroissiale St. Mary's, située dans
le district « Mission » de Calgary. Il s'agit d'un
impressionnant bâtiment de grès qui a été construit en 1905
pour accueillir les catholiques francophones de Calgary. Après
avoir été vendue en 1911 au Chemin de fer Canadien du Nord, la
salle est devenue un espace à bureaux, puis a été transformée en
gare de chemin de fer en 1913, lorsqu'on y a ajouté une plateforme
ferroviaire et un quai. En 1916, on a ajouté une annexe en
brique à l'arrière du bâtiment ainsi qu'une marquise en bois le
long de la voie ferrée. Le Canadien National a exploité la gare
(alors connue sous le nom de Calgary Southwest Railway Station)
jusqu'en 1971. Désigné ressource provinciale historique de
l'Alberta en 1981, le bâtiment a été la proie d'un incendie
qui a ravagé tout l'espace intérieur en 1985, mais il a
ensuite été restauré en 1987.

Les anciens bâtiments
industriels sont les candidats idéaux pour faire l'objet d'un
projet de réhabilitation. Cela a d'ailleurs été le cas pour le
vaste complexe de la distillerie Gooderham and Worts (construite
entre 1859 et 1927). Avant de fermer ses portes
en 1990, la distillerie a créé, produit, empaqueté, entreposé
et mis en marché divers types de spiritueux. En 2001, les
30 bâtiments industriels de brique et de pierre désaffectés de
ce complexe de 13 acres situé à l'extrémité est du
centre‑ville de Toronto ont été achetés par Cityscape Holdings. Cet
entrepreneur novateur, en collaboration avec le cabinet
ERA Architects, a transformé l'endroit en un
complexe piétonnier consacré aux arts et à la culture tout en
se conformant aux pratiques exemplaires en matière de conservation
énoncées dans les Normes et lignes directrices. L'une de
ces normes prévoit de conserver la valeur patrimoniale du lieu en
adoptant une approche d'intervention minimale. Dans le cas de la
distillerie, les entrepreneurs ont conservé le plus grand nombre
possible d'éléments intérieurs et extérieurs d'origine et les ont
intégrés au nouvel aménagement. Les compartiments à grains sont
devenus des espaces à bureaux, tandis que la chambre de
distillation, dans laquelle se trouvait un grand tableau de
commande, est maintenant utilisée par une entreprise de conception
graphique. L'endroit comprend un centre d'interprétation où l'on
offre des visites guidées. Ce vaste projet de réhabilitation et de
restauration, fruit d'une collaboration entre des organisations
commerciales et de conservation du patrimoine, a permis de
sauvegarder et de revitaliser le lieu.
Une autre structure
industrielle à laquelle on a donné une nouvelle vocation à la fois
résidentielle et commerciale est la Rotonde de la rue John (1929‑1931), située à
Toronto. À la suite de l'arrivée de la machine diesel, cette
installation de réparation des locomotives du Canadien Pacifique a
graduellement réduit ses activités jusqu'à ce qu'elle ferme ses
portes définitivement en 1986. La rotonde a été cédée à la
Ville de Toronto par le Canadien Pacifique et a été désignée lieu
historique national du Canada en 1990. En 1995, une
partie de la structure d'origine a été démantelée pour permettre la
construction de la partie souterraine du Palais des congrès du
Toronto métropolitain. Elle a ensuite été reconstruite, et elle
accueille maintenant le centre du patrimoine ferroviaire de Toronto
ainsi que des activités commerciales. En 1997, 17 acres
de terres adjacentes au bâtiment sont devenues le parc de la
rotonde, où sont exposés des articles liés à l'industrie
ferroviaire.
En 2002, lorsque la Compagnie de la Baie d'Hudson a quitté
son grand magasin datant de 1914 du centre‑ville de Victoria,
en Colombie‑Britannique, le bâtiment a été vendu à la société
Townline qui s'est associée au cabinet Merrick Architects (de
Vancouver et de Victoria) pour convertir le bâtiment en immeuble en
copropriété. Ainsi, l'extérieur de l'ancien grand magasin de la Compagnie de la Baie
d'Hudson a été préservé, tandis que les espaces
intérieurs ouverts ont été convertis en appartements résidentiels.
La préservation des façades dans le cadre de ce projet de
conservation d'envergure s'est déroulée conformément aux Normes
et lignes directrices et a permis de sauvegarder le caractère
patrimonial du bâtiment. L'aspect palatial et les imposantes
élévations de ce bâtiment de quatre étages de
style néo‑georgien ont été choisies pour illustrer
la permanence ainsi que la richesse, la grandeur et la modernité de
l'entreprise la plus ancienne et la plus prospère du Canada. Cet
ensemble résidentiel incite certaines personnes à se rapprocher de
leur travail au centre‑ville et, par la même occasion, revitalise
le paysage de rue.
L'emplacement du bâtiment est un facteur déterminant dans la
réussite d'un projet de réhabilitation. En raison de l'étalement
urbain, les bâtiments situés au centre‑ville sont en demande. Les
projets de réhabilitation au centre‑ville bénéficient de
l'infrastructure publique existante, notamment en ce qui concerne
le transport, et peuvent intégrer des pratiques de croissance
intelligente telles que la mixité des usages et des logements en
plus de contribuer à l'établissement d'un sentiment d'appartenance.
L'investissement immobilier est un signe de confiance et attire
d'autres projets semblables. Les quartiers mixtes sont souvent
adaptés pour les piétons, et leur restauration ne nécessite pas
l'aménagement de nouveaux territoires.
Le principal facteur qui influence la décision de démolir ou de
réhabiliter un bâtiment est souvent de nature économique; de fait,
les politiques et incitatifs fiscaux peuvent grandement influer sur
la décision de remettre un vieux bâtiment en état. Des programmes
de crédit d'impôt pour la conservation du patrimoine ont été mis en
place dans nombre de villages et de villes, notamment à Victoria,
qui a adopté un incitatif fiscal pour la conversion des bâtiments
historiques en immeubles résidentiels. Les bâtiments historiques
ainsi valorisés génèrent de nouvelles recettes fiscales et créent
des emplois locaux.
Aujourd'hui, notamment grâce aux initiatives de
Parcs Canada, on accorde de plus en plus d'importance à la
conservation des structures historiques au Canada. Les outils de
conservation qui sont maintenant facilement accessibles permettent
de conserver le patrimoine bâti du pays d'une manière responsable
afin d'assurer leur survie pour des années encore.