Sur les eaux canadiennes - Parcs Canada célèbre un nouveau départ
Ce mois-ci, venez célébrer le centenaire de Parcs Canada dans
l'une de ses quatre aires marines nationales de conservation (AMNC)
: le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, le parc marin national
Fathom Five, l'AMNC du Lac-Supérieur et la réserve d'AMNC et site
du patrimoine haïda Gwaii Haanas. Ces endroits représentent un
nouveau volet de l'histoire du réseau des parcs nationaux et des
lieux historiques nationaux de Parcs Canada, et ils comprennent à
la fois des éléments naturels d'envergure et des caractéristiques
patrimoniales uniques. Le Répertoire canadien des lieux
patrimoniaux désire souligner le centenaire de Parcs Canada en
jetant un regard sur le patrimoine marin du Canada associé à ces
aires marines.
Il y a un siècle, les touristes qui voyageaient par paquebot
sillonnaient de larges voies navigables et consignaient leur
appréciation des mers et des lacs dans leur journal. Faites un saut
dans le passé, plus précisément au printemps de 1911, et imaginez
un instant que vous êtes une Anglaise fortunée qui désire se rendre
au Canada. Vous entendez dire que le Chemin de fer Canadien
Pacifique (CFCP) annonce des voyages par train et par bateau. Vous
lisez leurs slogans accrocheurs : Le monde à votre portée! La
meilleure façon de voyager au monde! La nouvelle route vers
l'Orient! Vous voyez les affiches colorées, et l'idée
d'entreprendre un tel voyage vous emballe. Vous communiquez avec
l'agent du CFCP de votre région pour réserver votre place.
Vous recevez votre billet et la lettre qui suit :

Vous embarquez à bord le 7 mai 1911 et, pendant la traversée,
vous achetez un journal de voyage relié en cuir. Vous commencez à
prendre des notes vers la fin de votre périple de quatre jours. Le
journal arbore, en relief, le titre suivant :
Mon voyage autour du monde à bord de l'Empress of Ireland et d'autres navires à
vapeur du CFCP, 1911-1912
11 mai, midi... Après la traversée de
l'Atlantique qui s'est déroulée sans problème, nous remontons
maintenant le fleuve Saint-Laurent. Alors que le navire contourne
la péninsule de la Gaspésie, j'aperçois un groupe de baleines
blanches, qu'on appelle bélugas. Nous poursuivons notre périple et
passons devant Rimouski et Trois Pistoles, ainsi que devant les
phares de l'île Rouge et de l'île Verte, le premier phare à avoir été
construit le long du Saint Laurent. 
11 mai, 14 h... Nous approchons du confluent du
fleuve Saint Laurent et de la rivière Saguenay. Le bateau a
considérablement ralenti sa course, et j'ai constaté une
augmentation importante de la circulation fluviale. Je demande à un
homme quelle peut en être la raison, et il me répond que toute
cette circulation maritime provient sans doute de l'industrie du
bois de sciage en plein essor sur les rivières Saguenay et
Chicoutimi. Les usines de pâtes et papiers de la région dépendent
de l'eau pour fonctionner et pour acheminer leurs produits. La Pulperie de Chicoutimi se porte à merveille
depuis sa récente ouverture, et elle est en voie de devenir le plus
gros producteur de pulpe de papier au pays. Sur ces mots, l'homme
rit en ajoutant qu'il espère que ses nouvelles usines de la Beauce
et du Maine feront une vive concurrence à la Pulperie de
Chicoutimi.
À l'embouchure de la rivière Saguenay, nous passons devant un
village pittoresque. Selon la brochure du CFCP, il s'agit de
Tadoussac, l'emplacement d'un poste de traite français du XVIIe
siècle, le plus ancien établissement à avoir été habité de façon
continue au Canada. Le contraste entre le paysage vert clair, les
eaux bleu profond et la petite chapelle rouge et blanche est absolument
saisissant. J'espère que ces points de vue seront préservés encore
pour de nombreuses années.
Avec l'image de ce paysage enchanteur en tête, nous arrivons à
Québec, ville trépidante d'animation.
Vous recevez une autre lettre concernant le reste de votre
voyage, et vous la placez dans votre journal : 
15 mai, 14 h... Les visites éclair mais
captivantes de Québec et de Toronto sont maintenant choses du
passé. La balade à bord du train rapide vers Owen Sound a été des
plus agréables. J'ajoute quelques cartes postales sur lesquelles se
trouvent des images d'Owen Sound et du prochain navire à bord
duquel j'embarquerai.
15 mai, 16 h... Le voyage s'est déroulé sans
anicroche. Owen Sound est le port d'attache des navires à vapeur du
CFCP depuis le début de ses activités, le 11 mai 1884. À l'époque,
c'était la seule façon de joindre les deux sections terminées du
chemin de fer, en passant par le Canada. Le S.S. Assiniboia est
l'un des cinq navires à vapeur du CFCP qui assure, cinq jours par
semaine, le lien vers la tête des Grands Lacs, sur la rive ouest du
lac Supérieur.
15 mai, 18 h... J'ai visité le bateau. Les
jolies cabines occupent deux ponts, et on trouve aussi un jardin
sur deux ponts avec une claire-voie en vitrail! Le bateau compte
aussi de nombreuses plantes en pot, une salle à manger pouvant
accueillir 100 convives et une salle de bal. On dit que 300
personnes sont à bord, la plupart des immigrants qui vont s'établir
dans les Prairies. La brochure du CFCP indique que le trajet en
train le long de la rive nord du lac Supérieur, entre Toronto et la
tête des Grands Lacs, dure 100 heures, comparativement à 48 pour la
croisière panoramique... quelle rapidité!
15 mai, 19 h... Nous avons dépassé beaucoup
d'autres paquebots mixtes. On m'a dit que plus de
100 navires du genre sillonnaient les eaux de la région, ce qui en
fait un endroit très achalandé! Nous avons aussi vu plusieurs
phares aux abords de la baie Georgienne et du lac Huron : ceux de
l'île Griffith, de Big Tub, de l'île Flowerpot et de Cove Island. Des phares aux noms bizarres
construits par le gouvernement du Canada entre 1855 et 1885 pour
guider les bateaux dans le brouillard et les aider à contourner les
hauts-fonds dangereux. De nombreuses goélettes s'y sont tout de
même échouées. Des îles pittoresques parsèment les eaux turquoise
magnifiques. La brochure du CFCP indique que l'eau est peu
profonde... seulement cinq brasses.
... J'ai aperçu un jeune homme sur le pont principal du navire
avec ses peintures, ses pinceaux et son chevalet. Il semblait très
inspiré par le paysage. Il était à ma table au souper et s'est
présenté comme M. Lawren Harris. Durant la nuit, le navire a
mis le cap vers le nord ouest, passant l'île Manitoulin avec l'aide
des phares et du sifflet de brume lugubre du détroit de
Mississagi. Le navire est ensuite passé dans le canal de
Sault Ste. Marie en 1894 pour relier les lacs Huron et
Supérieur. Voici une photo du canal : 
16 mai, 10 h... Le lac Supérieur est une
véritable mer intérieure d'une immensité incroyable! Bien que de
nombreux autres navires parcourent ces eaux, on semble être le seul
bateau des environs en cette matinée calme et ensoleillée... une
chose rare dans la région.
J'aperçois la rive nord à l'horizon. Un sympathique membre de
l'équipage m'indique qu'à la même date en 1885 (il y a à peine
vingt-six ans!), le dernier crampon de la portion ontarienne du
chemin de fer était posé près de la petite ville de Schreiber. Selon la brochure du CFCP, cet
événement a marqué la fin d'une époque très difficile pour le
Canadien Pacifique. Les rails et d'autres matériaux devaient être
envoyés dans de petits ports, comme ceux de Rossport, de Nipigon et
de Terrace Bay. Pour construire le chemin de fer, on a dû dynamiter
des parois rocheuses, creuser des tunnels et construire de longs
ponts à chevalets pour traverser des rivières.
On a ensuite construit des phares. Toutes ces réalisations nous rendent
fiers de faire partie de cette nouvelle ère moderne. Le chemin de
fer ainsi complété a permis de faire le lien entre des
collectivités isolées du Canada et de rendre cette région
auparavant relativement inaccessible propice à l'exploitation
forestière et minière, ainsi qu'à l'industrie de la pêche.
16 mai, 17 h... M. Harris, le peintre, semble
inspiré par le paysage, et peint avec énergie. Je l'ai entendu
s'exclamer que nous passerons bientôt devant la péninsule
forestière du Sleeping Giant.
Selon la brochure du CFCP, une mine d'argent était en
exploitation ici dans les années 1870. Il paraît que l'on pourrait
aussi voir des Autochtones dans leurs canots, mais je n'en ai
encore vu aucun. Quelles répercussions ces changements ont ils eues
sur ces peuples? Quelle beauté pure! Qui pourrait donc s'établir
dans cette région aquatique sauvage, sinon les oiseaux et les
poissons?
17 mai, 8 h... Nous sommes enfin arrivés à Port
Arthur. Après la tranquillité du lac, cette plaque tournante
touristique et commerciale surprend par son agitation! En quittant
le bateau, j'aperçois une étrange pagode octogonale de style asiatique dont la
façade est surmontée d'un castor gravé!
J'en suis maintenant au point de départ de ma ruée vers l'Ouest,
assise à la Gare Union, une gare cosmopolite construite
l'année dernière, en 1910, selon la brochure du CFCP. À l'avant de
l'édifice, son joli jardin est rempli de pensées qui fleurissent
dès le mois de mai. 
20 mai, 20 h... La traversée des Prairies
jusqu'à Vancouver s'est faite sans problème. Nous avons fait un
court arrêt à la gare de Winnipeg, et j'ai passé la nuit à l'hôtel Europe à Gastown, un quartier en plein essor à
Vancouver.
...J'embarque sur le Princess Charlotte cet après-midi
pour une croisière de trois jours vers Prince Rupert. Je suis
maintenant à bord et nous longeons les côtes luxuriantes de la
Colombie Britannique. Nous naviguons vers le nord en direction de
Prince Rupert, en passant par le fameux Inside Passage.
23 mai, 10 h... Je regardais de l'autre côté du
détroit d'Hécate quand j'ai soudain été comme hypnotisée par un
vaste groupe d'îles au loin. Une jeune femme à l'aspect particulier
est apparue à mes côtés et m'a raconté son extraordinaire visite
dans des villages autochtones du Nord. Elle m'a montré des croquis
et des peintures de ses voyages. Elle m'a dit qu'elle se rendait
dans les îles de la Reine Charlotte, aussi appelées Haida
Gwaii, pour obtenir des renseignements sur la vie et la culture du
peuple haïda qui habite ces îles depuis plus de 10 000 ans. Elle
espérait être en mesure de visiter les villages traditionnels et les maisons longues encore existants et en
apprendre plus sur la culture de ce peuple, dont le mode de vie
est, depuis toujours, associé à l'eau, aux arbres et aux
montagnes.
23 mai, 16 h... Notre bateau approche du port
de Prince Rupert près duquel se trouve la conserverie de poissons
connue sous le nom de conserverie North Pacific. Nous avons aussi
croisé le phare de l'île Triple. Au moment de
terminer cette portion de mon voyage, je me demande si les
voyageurs de demain pourront goûter la beauté et la splendeur de
cette merveilleuse aventure en mer.
Aujourd'hui, vous aussi pouvez suivre le voyage de notre
touriste de 1911.
Sur le fleuve Saint-Laurent, près du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, il est
encore possible d'admirer certains paysages sauvages, qui
reprennent doucement leur état naturel après plusieurs années
d'extraction intensive de ressources. Vous voudrez peut-être
arrêter au musée situé près de l'épave de l'Empress of Ireland. Le
navire est maintenant classé lieu historique national, et son épave
gît au fond de l'eau parce qu'en juillet 1914, dans un épais
brouillard, le navire est entré en collision avec un autre
bateau.
Sur les Grands Lacs, vous pouvez encore admirer les phares
mentionnés dans le récit, et dans le parc marin Fathom Five, vous pourrez plonger
dans les eaux turquoise pour y admirer des épaves. Le lac Supérieur
a connu un siècle d'industrie minière, forestière et de la pêche,
mais il demeure un endroit encore relativement intact et calme.
Près de Rossport, l'aire marine nationale de conservation du Lac
Supérieur l'épave du Gunilda, navire qui a coulé en août 1911,
ainsi que des phares patrimoniaux, notamment la station de phare de
l'île Battle. Parcourez la route Transcanadienne en voiture le long
du lac ou partez en randonnée le long du sentier Voyageur; vous
pourrez y observer les gares qui ont été préservées, comme celle de
Schreiber, participer aux activités autochtones qui se déroulent
près de Pic River et admirer l'impressionnant ouvrage d'ingénierie
du Chemin de fer Canadien Pacifique, le pont à chevalets qui
enjambe la rivière Nipigon près de Nipigon. La trépidante ville de
Thunder Bay accueille les voyageurs fatigués, en plus d'être
maintenant l'une des portes d'entrée officielles de l'aire marine
nationale de conservation de Parcs Canada.
Sur la côte de la Colombie Britannique, à Vancouver, vous pouvez
monter à bord d'un bateau, que ce soit un grand navire de croisière
ou un petit traversier provincial, pour vous diriger vers le nord
en passant par le Inside Passage et vous rendre à Prince Rupert,
puis en Alaska. Malgré les importantes ruées vers l'or qu'a connues
la région et le grand nombre de paquebots qui y sont passés au
cours du dernier siècle, les eaux côtières et les îles sont
demeurées relativement intactes. La réserve d'aire marine nationale de conservation
et le site du patrimoine haïda Gwaii Haanas, récemment créés
dans l'archipel Haida Gwaii (anciennement les îles de la Reine
Charlotte), vise à protéger le patrimoine terrestre, aquatique et
autochtone. Ce statut de protection unique et englobant pourrait
guider la façon dont les prochaines AMNC seront créées au Canada.
Dans un avenir rapproché, la désignation et la protection de
nouvelles AMNC seront primordiales et permettront à la population
de faire de nouvelles découvertes!